Thomas Tuchel

24 décembre 2020. Alors que des millions de personnes s'apprêtent à célébrer le réveillon de Noël, Thomas Tuchel apprend son renvoi. La nouvelle est frappante, surtout que quelques heures plus tôt, Paris vient de battre Strasbourg 4-0. Ironie du sort, c'est donc après un carton réussi et au cours de l'un des touts meilleurs jours de l'année que le technicien allemand est invité à plier ses bagages. Avec une carte de vœux en prime ?

A défaut de petit mot de remerciement, il convient d'établir le bilan de Tuchel en commençant par le début. Nous sommes à l'été 2018. Unai Emery vient de quitter le PSG la tête basse. Suite à cet échec, on espère que le Qatar a comprit que Paris a besoin d'un coach de classe mondiale, surtout pour gérer ses stars comme Neymar. Et bien que nenni ! Au lieu d'un grand nom comme José Mourinho ou Antonio Conte, on assiste à l'arrivée de Thomas Tuchel.

Qui est ce nouveau venu ? Pas mieux connu que Emery à son arrivée, cet Allemand de 45 ans vient d'entraîner Dortmund pendant les deux derniers exercices. Encore jeune dans la profession, il ne possède presque aucun palmarès à son actif. Au moins, son prédecesseur espagnol pouvait déjà afficher trois Europa Leagues sur son CV. Il signe pourtant un contrat de trois ans.

Les débuts de Tuchel sont excellents. Sous sa houlette, Paris remporte ses 14 premiers matchs en championnat et termine en tête d'un groupe de la mort en Ligue des Champions devant Liverpool et Naples. Autant dire que tout va bien. Mais comme chacun le sait au PSG, cela ne dure jamais très longtemps.

En huitième de finale de coupe d'Europe, le club affronte Manchester United. Après une belle victoire ramenée d'Old Trafford, l'impensable se produit. Les Parisiens s'inclinent au Parc 3-1 contre la réserve mancunienne à l'issue d'un scénario incroyable. Deux ans seulement après la remontada, Paris récolte une nouvelle humiliation peut-être encore plus grosse que la précédente selon certains.

Dans n'importe quel grande institution, aucun entraineur au monde ne résiste à une telle claque. Mais tout comme Emery en 2017, Tuchel survit à ce fiasco. Toutefois, sa côte chute terriblement. Incapable de conserver la moindre structure, il laisse son équipe se liquéfier pour terminer la saison. Ainsi à Lille en Ligue 1, Paris reçoit une fessée monumentale et encaisse 5 buts en championnat pour la première fois depuis 18 ans (1-5). Puis il perd sans gloire les coupes nationales qu'il confisquait depuis 2015.

Avec un seul titre empoché en définitive, le bilan de Tuchel en 2018/2019 s'avère désastreux. Néanmoins, il reste en place au cours de l'été, et ce malgré le retour de Leonardo qui se montre vite peu fan de l'Allemand. Entre le coach et son nouveau directeur sportif, une guerre interne va tôt ou tard avoir lieu dont on connaît d'avance le vainqueur. Mais en attendant, place à l'union sacrée.

En 2019/2020, le PSG rehausse la barre. Il récupère ses droits sur tous les trophées nationaux et parvient à se hisser jusqu'en finale de la Ligue des Champions. Sur le papier, c'est la plus belle saison de l'histoire du club. Mais est-ce vraiment le cas ?

Bien sur que non ! Grace à un concours de circonstances assez incroyable, Paris n'a croisé sur sa route que des seconds couteaux en Europe. Le fameux périple rouge de Monaco était fantastique en 2004 avec des matchs d'anthologie contre le Real Madrid et Chelsea. Mais ici, dominer Dortmund, l'Atalanta Bergame et Leipzig ne correspond à rien d'autre que faire son job et tenir son rang pour Paris. Ce n'est pas une vraie épopée.

En dépit de son statut de vice champion d'Europe, le club de la capitale se fait très peur la saison suivante. En Ligue 1, il ne pointe qu'à la 3eme place au moment de la trêve hivernale. Et en coupe d'Europe, il manque de peu d'obtenir un ticket pour l'Europa League pendant la phase de poule avant de redresser la tête. Mais pour Leonardo, ce sursaut d'orgueil n'a pas suffit.

Ainsi donc, contrairement à ce que les statistiques laissent supposer, Tuchel n'est pas parvenu à faire progresser le PSG en Ligue des Champions. Même chose en championnat. A l'instar de ses prédecesseurs, il n'est ni parvenu à franchir le cap des 100 points ni à réaliser une saison sans aucune défaite en Ligue 1. Avec aucun record en poche, on ne se souviendra probablement guère de lui dans dix ans.

Passons au plan du jeu. Dès son arrivée, Thomas Tuchel a mit un point d'honneur à rétablir Angel Di Maria au premier plan et à rappeler à tout le monde que le PSG ne comptait pas trois mais quatre fantastiques dans ses rangs. L'Argentin peut incontestablement le remercier. Boudé par Unai Emery, il a ainsi pu revenir à son meilleur niveau et occuper l'aile droite d'un 4-2-4 tourné vers l'offensive.

Si Tuchel a eu le nez creux avec Di Maria, on ne peut pas en dire autant concernant les autres joueurs. Jamais il n'est parvenu à construire un réel équilibre dans son équipe au milieu de terrain. Véritable symbole de ce malaise, Marquinhos a été promené en défense centrale et dans l'entre-jeu par son entraineur au fil des mois.

Même constat au poste de gardien de but. En 2018/2019, Tuchel n'a pas su choisir entre Alphonse Areola et Gianluigi Buffon et il a fallu que Leonardo prenne les choses en main l'été suivant pour se débarrasser d'eux et engager Keylor Navas. Voilà qui est peu glorieux de la part du technicien allemand.

Mais il y a pire encore, le cas Edinson Cavani. En dépit de son statut de meilleur buteur de l'histoire du club, l'Urugayen s'est vu relégué sur le banc au premier faux pas pour laisser sa place à Mauro Icardi. Pourtant, il n'a rien lâché et lors du fameux match contre Dortmund, c'est lui qui fut titulaire et non l'Argentin.

En clair, Tuchel n'a jamais su prendre des décisions et s'y tenir dans les dossiers importants. Cette incapacité à trancher est grave pour un entraineur. Si il n'a jamais eu de problème avec Neymar, il a en revanche vu son autorité s'étioler avec Kylian Mbappé, ce dernier allant jusqu'à vouloir jouer blessé et obtenir quasiment gain de cause à la fin. De plus, outre Cavani, Adrien Rabiot n'a jamais pu compter sur le soutien de son coach dans les moments de tension.

Enfin, au niveau de la communication, c'est allé de mal en pire. D'abord souriant et joyeux, Tuchel a sombré petit à petit dans la tristesse. Souvent apparu las et fatigué, il lui est arrivé d'avoir des atomes crochus avec des journalistes. Fait plus grave, il a parfois discuté la politique du club et critiqué ses supérieurs, ce qui ne doit jamais se produire en conférence de presse.

Un grand entraineur ne se plaint jamais de la fatigue et des blessures de son effectif. Il ne cherche pas à se trouver des excuses pour expliquer ses défaites et ne s'accroche pas avec les médias. Défaitiste et peu charismatique, Tuchel n'a jamais montré la moindre image forte pendant ses deux ans et demi passés ici, sauf peut-être un peu au départ.

Pour toutes ces raisons, son éviction n'est guère surprenante. Néanmoins, elle manque d'élégance et apparaît comme un geste d'impatience. En effet, il suffisait d'attendre 6 mois pour le voir partir en fin de contrat sans avoir à lui verser 7 M€ d'indemnités. Leonardo a t-il vraiment craint de perdre le titre de L1 en 2021 ? Ou bien ne parvenait-il plus à supporter l'Allemand ? Pour l'instant, le mystère reste entier. Quoi qu'il en soit, on espère revoir enfin un grand coach à Paris !

 Son bilan parisien :

-82 matchs en L1 (62 victoires, 8 nuls, 12 défaites)

-194 points pris (2,37 points pris par match)

-25 matchs en Ligue des Champions (16 victoires, 3 nuls, 6 défaites)

-champion de France 2019 et 2020

-coupe de la Ligue 2020

-coupe de France 2020

-finaliste de la Ligue des Champions 2020

Photo tirée de Libération